Les apports de la révolte des canuts de 1831
On peut s’étonner que cette révolte qui a été un échec quand aux revendications demandées, l’application des tarifs signés par les représentant des négociants et des canuts ne sera faite que bien plus tard, ait eu un retentissement considérable en France, en Europe et ce, jusqu’à nos jours. Sans entrer dans une analyse très fouillée mais en s’appuyant sur les articles de l’Echo de la Fabrique, hebdomadaire créé par les tisseurs sur soie qui paraît d’octobre 1831 à avril 1834 et la thèse de Fernand Rude, on peut constater plusieurs éléments susceptibles de mieux comprendre ce qui a changé à partir de novembre 1831. D’abord savoir que les canuts chefs d’atelier notamment mais aussi de nombreux compagnons, sont des travailleurs manuels instruits et d’une grande culture. Ils lisent, discutent, sont parfaitement conscients de leur savoir-faire et de leur place dans la structure préindustrielle de l’époque, participent à des associations prônant la solidarité ou la place essentielle de l’homme au cœur de l’économie. Les trois journées de révolte font apparaître quatre concepts nouveaux.
La devise « Vivre en travaillant ou mourir en combattant » signifie non pas, plus de travail, mais le désir de « vivre dignement par son travail ». C’est nouveau, cette volonté d’améliorer les conditions de vie et de travail. Le deuxième élément qui émerge de la révolte, est l’organisation des canuts, quasi militaire. Pas de bandes désordonnées mais une grande discipline. Troisième nouveauté par rapport à d’autres révoltes, notamment celle qui s’est produite quelques semaines au paravent en Angleterre, une volonté très forte de protéger l’industrie de la soie. Les canuts organisent un service d’ordre pour empêcher tout pillage. Enfin, momentanément, ils rompent avec l’esprit « compagnonnage » qui s’illustrait par un repli sur la profession et des rixes entre compagnons, jaloux de leur savoir-faire. Une « solidarité prolétarienne » pour reprendre leur expression, se met en place. Leur journal va d’ailleurs après novembre ouvrir largement ses colonnes à d’autres travailleurs en lutte et également aux femmes.
Les théoriciens du mouvement social vont, à juste titre nous semble-t-il, dater de ces trois journées, les prémices, le tout début, des futures organisations ouvrières, notamment syndicales. Dorénavant, quelque soit le régime politique mis en place, les canuts viennent de démontrer, bien au-delà de l’échec de leur revendication, que les travailleurs unis pouvaient infliger une défaite à l’armée. La condition ouvrière vient de s’inviter dans le champ strictement politique. Les travailleurs européens, les militants politiques, les philosophes socialistes, anarchistes, communistes, progressistes, ceux qui agissent pour les droits de l’homme vont, au fil des années du XIXème siècle jusqu’en 1870, regarder Lyon comme la capitale du mouvement social. Avec chacun, bien sûr, leur propre analyse.
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