1834 : une espérance de République
Le 6 novembre, la
République de Montmartre et la République des Canuts organisent une conférence
évoquant Godefroy Cavaignac et la révolte des canuts de 1834 dont c’est le 180ème
anniversaire. Et ce dans le cadre de la manifestation lyonnaise Labelsoie.
Cette journée particulière permettra une fois encore de mesurer combien
Montmartre et la Croix-Rousse ont des points communs.
En effet le collectif Novembre des Canuts dont l’objectif
est de redonner la parole aux tisseurs de soie, en préparant le thème de la
manifestation Labelsoie, s’est aperçu que la révolte de 1834 va trouver un écho
important à Paris. D’ailleurs lors du « procès monstre » de 1835 vont être sur les mêmes bancs des accusés,
les canuts lyonnais et les insurgés parisiens, notamment Godefroy Cavaignac,
grand leader républicain enterré au cimetière de Montmartre. Une évidence
s’imposait alors au collectif Novembre des Canuts, rendre hommage à celui qui fut
le président de la Société des Droit de l’Homme. Les liens étroits qui unissent
la République des Canuts, membre du collectif, et la République de Montmartre,
et le fait même qu’elle porte un terme cher à Cavaignac,
« République », vont permettre à ce projet d’aboutir.
Quelques mots sur la révolte de 1834.
Très souvent les révoltes de 1831 et 1834 sont placées sous
le vocable commun de « révoltes des canuts », période évoquée par un
artiste cher aux Montmartrois, Aristide Bruant. En effet toutes deux prennent naissance à Lyon, toutes deux impliquent des tisseurs et comme l’explique Fernand
Rude, historien du mouvement social, « le schéma du déclenchement des deux
révoltes est à peu près le même ; attroupements, construction de
barricades et recherche de fusils et de munitions ». Mais on peut
constater de nombreuses différences. Notamment la présence de la politique dans
les slogans lancés pendant les combats et
celle de nombreux militants républicains ou appartenant à la Société des
Droits de l’Homme. Il s’agissait nettement, écrit Rude, de renverser le régime
établi, la monarchie de Juillet et de proclamer la République. Le républicain
Lagrange dira : « nous avons rêvé la fin de l’exploitation de
l’homme par l’homme ». D’ailleurs autre différence notable avec 1831, cette révolte sera relayée à Paris et dans
d’autres villes de France. Il faut également noter que les mesures prises par
Louis Philippe vont contribuer à la mobilisation des démocrates, des
républicains et des chefs d’atelier, des ouvriers tisseurs ou autres. La liberté
de la presse est supprimée, l’Echo de la Fabrique, le journal des canuts créé
en 1831 devra s’arrêter, le droit d’association déjà très limité sera purement
et simplement supprimé. Le 9 avril 1834 s’ouvre le procès de dix chefs
d’atelier et trois compagnons ferrandiniers accusés de coalition lors de la
grève de février réclamant une augmentation des tarifs. Le procès est à peine
commencé que les premières barricades s’érigent. Commence alors une
semaine d’une émeute qui très rapidement trouvera un écho dans d’autres
villes de France, notamment Paris. Si la révolte de 1831 est une révolte
essentiellement ouvrière, celle de 1834 affiche clairement des objectifs
politiques avec une implication importante des Républicains. Un procès
« monstre » se déroulera à Paris en 1835 avec des peines de
déportation et d’emprisonnement visant essentiellement les républicains.
Qui était Godefroy Cavaignac ?
Né à Paris le 30 mai 1800 il est le fils d’un député de la
Convention qui vota la mort de Louis XVI, Jean-Baptiste Cavaignac et le frère
aîné de Louis Eugène Cavaignac qui fut gouverneur en Algérie en 1848 et
candidat malheureux contre Louis Napoléon Bonaparte. Notons également, ne
serait-ce que pour démontrer que cette famille fut très présente au 18ème
siècle que le fils de Louis Eugène, prénommé Godefroy, fut ministre sous la
IIIème république.
Très tôt Godefroy Cavaignac, sans doute aidé par une
ambiance familiale cultivant les valeurs républicaines et démocratiques, va
s’engager. Sa principale arme est la plume. Il est journaliste à la Tribune des
Département d’Armand Marrast, prend part aux Trois Glorieuses en 1830, il
participe à la prise du Louvre, puis combat vigoureusement la Monarchie de
Juillet. On le retrouve dans les principales organisations opposées à Louis
Philippe, la Société des amis du peuple, la Société des Droits de l’Homme et
l’association en faveur de la presse patriote.
Le procès de 1831 qui fait suite à la tentative
d’insurrection d’avril de la même année, lui permettra d’exposer ses idées et
ainsi le fera connaître dans tout le pays. En 1834 il est au côté des frères
Arago, de Louis Blanc, de Victor Schœlcher, Ledru-Rollin, Blanqui. Un groupe
qui entretient des rapports avec les républicains canuts de Lyon. Alors que
depuis le 9 avril les combats font rage entre Saône et Rhône, le 15 avril, une
nuit d’émeute est organisée à Paris. Cette révolte échouera et restera comme
celle qui vit le massacre de la rue Transnonain par les soldats de Bugeaud.
Daumier immortalisera ce dramatique moment. Les conjurés parisiens sont
arrêtés, 164 au total, qui iront rejoindre, les Lyonnais, Stéphanois,
Grenoblois… pour le fameux procès monstre devant la cour des pairs.
Godefroy Cavaignac organisera avec la complicité d’Armand
Barbès une évasion de la prison Sainte Pélagie. Il prend le chemin de l’exil et
ne rentrera en France qu’en 1840 et participe à la naissance du journal La
Réforme. Atteint d’une pleurésie il meurt le 5 mai 1845. Ses funérailles au
cimetière de Montmartre sont organisés par les républicains. Le cortège part de
son domicile rue d’Auvergne, emprunte la rue des Martyrs jusqu’à l’église de
Notre Dame de Lorette pour le service funèbre. Les cordons du poêle sont tenu
par le peintre Drolling membre de l’Institut, Louis Blanc, Arago, Joly député,
Ledru-Rollin. Devant sa tombe de nombreuses personnalités s’expriment, chacune
soulignant ses qualités. Sa force de conviction, son attachement aux idées
républicaines, son courage. A Lyon le journal Le Censeur titre sur trois
colonnes à la une : mort de Godefroy Cavaignac et dans l’article écrit
notamment : « …aussi la perte de Godefroy Cavaignac sera-t-elle
vivement ressenti par tous ceux qui n’ont pas sacrifié à la politique égoïste
qui prévaut de nos jours… »
Robert Luc
Déroulement de la journée du 6 novembre 2014
16 h 30 Cimetière de Montmartre
Hommage à Godefroy Cavaignac : évocation de sa vie, de son combat
pour la République, en présence des personnalités.
Division 31 près de l’entrée avenue Rachel
Dépôt de gerbes.
20 h 30 Mairie du 18ème, place Jules Joffrin.
Conférence « Godefroy Cavaignac, une espérance de
République » par Robert Luc et la compagnie du Chien Jaune. Organisée par
la République de Montmartre et la République des Canuts avec, la participation du Vieux Montmartre.
Entrée gratuite.
Renseignements :
Robert.luc2@wanadoo.fr