dimanche 6 avril 2008

Le parler Lyonnais

Si Clair Tisseur (1827-1895) est celui qui aujourd’hui permet aux gones et aux fenottes de découvrir le charme du parler lyonnais, grâce à son ouvrage « Le Littré de la Grand’Côte », sans cesse réédité, signé par un de ses noms d’écrivain, Nizier du Puitspelu, il n’est pas le seul, ni le premier à vouloir conserver ces expressions et mots si singuliers. Anne-Marie Vurpas et Gérard Truchet aujourd’hui et, avant même la publication du Littré, Jean Baptiste Onofrio. Cet homme d’exception, on lui doit la retranscription des premières pièces du théâtre de Guignol de Laurent Mourguet, a écrit en 1864 un essai d’un glossaire des patois du Lyonnais, Forez et Beaujolais.
On y apprend notamment qu’au XVIIIème siècle, à Lyon, la plupart des artisans parlent encore le patois. La bourgeoisie ne le parle plus, mais elle le comprend, et elle s’en sert encore quelque fois soit dans les divertissements de carnaval, soit lorsqu’elle veut déguiser une satire sous une forme populaire. Il nous apprend que « c’est aussi au XVIIIème siècle qu’on voit apparaître pour la première fois le dialecte canut, langage tout spécial, distinct du patois de nos campagnes et du dialecte commun de la ville, non seulement par l’emploi des termes propres à la profession de nos ouvriers en soie, mais encore par des expressions, par des tournures et par une prononciation particulière. » Pour Onofrio au XIXème siècle, « non seulement personne ne parle le patois à Lyon, mais on ne l’y comprend plus. Aussi n’y publie-t-on rien dans ce langage. C’est le dialecte canut qu’on emploie quand on veut donner à une publication une couleur tout à fait populaire. »

Quelques mots et expressions tirés de l’ouvrage de J-B Onofrio

Aboucher : Faire tomber, renverser et plus spécialement faire tomber sur la bouche, sur la face.
« La nuit je me roule dans mon lit tantôt à crabotton, tantôt à bouchon sans pourvoir quasi deurmir. »
En espagnol on trouve : abocar ; en italien : abbocare

Agacin : Cor aux pieds
« Un jour ayant rendu ma pièce au magasin
Je m’arrête aux Terreaux souffrant d’un agacin.
»

Agourra : Gourrer, tromper, frauder
« Par ne pas m’agourra,
J’y me mariarai pas.
»

Bacon : Lard, viande de porc salée
(Allez savoir pourquoi nous disons aujourd’hui un « bécone » ! ndlr)

Bambaner : Se bambaner, se promener sans but, flâner ; perdre son temps.
« Je me bambanais tout le long du bitume. »

Bugne : Espèce de gâteau frit à l’huile.
« Dans ce même temps parut en cette ville une excellent fille qu’on appelait la Jeanne. Elle était établie dans la rue Paradis. Elle y avait une manufacture de bugnes à la livre qui fit tomber toutes les autres. Elle était si bonne et le débit en était si considérable qu’après vingt années de travail elle plaça vingt mille écus qu’elle perdit dans une banqueroute. Elle en mourut de douleurs. » Supplément aux Lyonnais dignes de mémoire.

Caffi : Rempli ; épais.

Calade : Pavé, rue pavée ; parvis d’une église.
« Les habitants de Villefranche-sur-Saône appellent encore la calade, le parvis de leur principale église, et la rue sur laquelle elle est située ; et comme cette rue est pour eux un lieu habituel de promenade, ils en ont pris le surnom de Caladois. »

Charpenne
: Charme, charmille
« Un village de la commune de Villeurbanne, près de Lyon et autrefois en Dauphiné, s’appelle Les Charpennes. »

Corgniola, Corniole : Gosier, gorge.
Dialogue d’une pièce de Guignol :
« Le père Pierre-Jean – Comment ! Guignol, tu dis que M. le marquis de Saint-Rémy est ruiné ! Son père lui a laissé quatre cent mille francs !
Guignol – Oui ; mais son père lui a laissé aussi une corgnole, et il a tout avalé.
»

Cuchon : Tas, amas.
« Les gros ont donc ouvert une souscription
Qui facilitera la démolition
Et de l’Observatoire et des cuchons de pierres
Que de tous les côtés déshonorent Fourvière.
»

Equevilles : balayures
M. Breghot du Lut dit qu’on le trouve dans un de nos actes consulaires, daté du 24 novembre 1590.

Fena, Fene, Fenne : Femme.
Aujourd’hui on dit fenotte qui s’emploie dans un sens aimable comme tous les diminutifs.

Gognandise : Bêtise, raillerie

Gone : Enfant, fils ; gamin ; garçon.
« Ca fait regret de voir jusqu’à de simples gonnes
Le brûle-gueule aux dents comme de grandes personnes.
»
"Du roman gona, robe ; Les petits enfants portent la robe. C’est, suivant plusieurs étymologistes, un mot d’origine celtique. Il désignait dans la Gaule, un long vêtement de peau. Gown, signifie encore robe, en anglais. »

Pitrogner : Manier grossièrement, gâter, écraser.
« Il pompe dans le jus des raisins qu’il pitrogne. »

Pontificat : Etre dans son pontificat est une locution populaire de nos province qui signifie être dans la plénitude de sa force, de sa santé, de sa beauté. On dit d’un vieillard qu’il est encore dans tout son pontificat pour exprimer qu’il a toute sa vigueur et ses facultés.

San devant derrière : Expression adverbiale dont le sens est de travers, en désordre.
L’orthographe primitive et la seule rationnelle de cette locution est c’en devant derrière, c'est-à-dire Ce qui est devant ira derrière, et réciproquement.L’orthographe sens dessus dessous n’a aucune explication raisonnable

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