A propos de la Ficelle de la rue Terme
Pendant la campagne des élections municipales, les fenottes et les gones n’ont pas manqué de lire de nombreux projets concernant l’actuel tunnel routier de la rue Terme, jadis le chemin de fer de la Croix-Rousse, plus communément baptisé, la ficelle. Logique quand on sait combien un câble composé de 252 fils d’acier de 2 millimètres de diamètre chacun, ressemble à une de ces ficelles qui peuvent tout aussi bien attacher votre pantalon qu’un paquet de poreaux. Donc nous eûmes droit pendant plusieurs semaines à des promesses qui pourraient conduire les véloV à remonter plus vite, aux poussettes à escalader biberons et doudous au vent les pentes et à nos fumerons à se reposer de bambanes épuisantes. Bon, dans quelques jours, quand nos élus auront choisi leurs bureaux, trouvé la bonne clé pour y pénétrer et installé leurs photos de famille, nous demanderons de quoi exactement il en retourne. Une plate-forme ? Un tire-fesses ? Un escalier roulant ? Un téléphérique ? On verra. En attendant, ça peut les aider, nous leur offrons la possibilité de découvrir ce qu’était exactement cette fameuse Ficelle, Ficelle qu’un jour, un maire, décida de supprimer afin que les automobiles puissent d’un seul coup accéder à notre charmant plateau. Nous étions à cette époque bien peu à manifester notre désaccord concernant cette mesure. C’est ainsi…
Non seulement cette Ficelle rendait d’immenses services aux Lyonnais et aux Croix-Roussiens mais en plus c’était une prouesse technique considérable. La preuve : En 1863, la revue parisienne L’Année Scientifique et Industrielle de Louis Figuier, recueil qui porte à la connaissance du public les travaux scientifiques, les inventions et les applications à l’industrie et aux arts, de l’année, publie un long article sur not’Ficelle ! Quelques extraits :
« En 1862 a été inauguré à Lyon, un petit chemin de fer destiné à relier le rue Terme au plateau de la Croix-Rousse, et qui présente une disposition aussi hardie que nouvelle. L’inclinaison de 4 cm par mètre n’a jamais été dépassée sur aucun chemin de fer ; la rampe est ici de 16 centimètres. Encore un peu plus et les wagons auraient grimpé perpendiculairement, comme les lézards le long d’un mur.
Le chemin de fer de la Croix-Rousse ne fait usage de locomotives : il est à traction fixe, comme les chemins de fer de l’intérieur des mines. Le train est tiré de bas en haut, par un câble qui s’enroule autour d’un immense cabestan et qui sert à le hisser le long de la rampe : la descente s’effectue par le déroulement du même câble, qui retient le convoi et modère la rapidité de la chute.
Chaque train ne se compose que de deux wagons ; mais les dimensions de ces wagons sont telles qu’ils peuvent contenir chacun 100 voyageurs. Une machine à vapeur de la force de 100 chevaux fait tourner un tambour de 4 mètres et demi de diamètre, autour duquel le câble vient s’enrouler. La course du piston des machines vapeur est de 2 mètres ; les chaudières sont tubulaires et à courant d’air forcé. Un ventilateur, mis en action par une machine à vapeur de la force de 10 chevaux, envoie constamment de l’air sous les foyers, pour activer la combustion.
On a dû apporter les soins les plus attentifs à la conception du câble destiné à supporter le poids entier du train. Ce câble est formé de la réunion de 252 fils d’acier de 2 millimètres de diamètre. IL serait capable, d’après les essais authentiques qui ont été faits, de supporter un poids de 100 000 kilogrammes, tandis que l’effort à soutenir pour l’ascension du train n’atteint pas 10 000 kilogrammes. (…) L’autorité a voulu que les wagons du nouveau railway fussent armés de freins d’une puissance suffisante pour arrêter le train précipité sur la pente de la voie, dans le cas d’une rupture du câble.
Ces freins ont été construits par les ingénieurs de la compagnie MM Molinos et Pronnier et lors de la réception du chemin de fer de Lyon à la Croix-Rousse, ils ont subi, devant la commission officielle, une série d’épreuves des plus concluantes. Voici les dispositions adoptées par MM Molinos et Pronnier pour obtenir cet important et difficile résultat.
Le chemin de fer présente une inclinaison uniforme de 165 millimètres par mètres. Un train abandonné sur cette pente, toutes les roues enrayées, glisserait en prenant encore par son énorme poids une vitesse considérable. Pour parer à tous les dangers d’une rupture de câble, il ne suffit pas de munir les véhicules de freins ordinaires, il leur faut ajouter un frein supplémentaire dont l’action, jointe à l’enrayage des roues, produise un arrêt infaillible. A cet effet, chaque truck porte deux systèmes de freins, devant agir automatiquement par le fait même de la rupture de câble. (…) L’expérience a pleinement démontré l’efficacité de ces dispositions. Douze fois, en présence de la commission de réception, la rupture du câble a été simulée au moyen d’un déclic, le train marchant à le descente à raison de 2 mètres par seconde (vitesse réglementaire) ; l’arrêt s’est produit chaque fois sans secousse appréciable, après un glissement de 3 m 50 : les wagon complètement chargés pesaient 18 000 kilogrammes chacun. (…)
L’établissement de la gare de Lyon a nécessité l’ouverture d’une tranchée de 11 mètres, bordée à pic par des maisons de 4 à 5 étages, dont le soutènement a présenté les plus grandes difficultés.Une maison de 4 étages placée à cheval sur la ligne a été conservée : le tunnel qui la supporte a été littéralement découpé dans les caves de cette maison, sans porter atteinte à sa solidité. D’autres maisons placées sur un grand tunnel, ont été conservées dans des conditions analogues. En un mot les difficultés de toute nature ont dû être vaincues pour arriver à la réalisation de cette entreprise élégante et nouvelle. Leur nombre ainsi que leur importance, rendent plus remarquable le succès complet qui a couronné ce travail, dont l’heureuse idée, aussi bien que la parfaite exécution, fait le plus grand honneur aux deux ingénieurs de la compagnie MM. Molinos et Pronnier. »
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