jeudi 2 juin 2011

Lyon fête Jean-Jacques Rousseau

Une lettre rédigée le 22 Vendémiaire de l’an III, par Pocholle, représentant du peuple à la Convention Nationale, ordonne au citoyen Teipyez, botaniste, d’organiser à Lyon la fête de Rousseau, le 25 vendémiaire. En fait ce n’est pas à Lyon que cette lettre a été envoyée mais à Commune-Affranchie, puisque notre ville a perdu son nom depuis le décret de la Convention « Lyon n’est plus » suite au siège de 1793. Pourquoi s’adresser à un botaniste ? Pocholle s’en explique : « Il appartient à ceux qui font leur étude particulière de la nature, d’honorer l’homme qui en fut l’ami le plus vrai ». Il invite donc le citoyen Teipyez à composer le cortège afin d’y « réunir tous les citoyens qui comme lui ont cherché dans la connaissance des plantes et de leurs vertus, les moyens d’être utiles à leurs semblables ». On ne peut s’empêcher, aujourd’hui, de trouver quelque peu surréalistes ces phrases évoquant la nature, alors que le siège particulièrement sanglant vient à peine de s’achever. Toujours est-il que le citoyen botaniste s’exécute et avec talent puisque à l’heure dite, sur la place de la Maison-Commune, tout est prêt. Le Conseil Général de la Commune s’est réuni d’abord dans une salle de la Mairie pour célébrer la fête de la translation des cendres de J-J Rousseau. Il y a là les divers corps constitués et les représentants du peuple Charlier et Pocholle, ainsi que Albitte et Salicetti, également de la Convention Nationale qui eux, étaient de passage. En ordre, les différents groupes, rangés sous des bannières indicatives, sortent sur la place de la Liberté, puisque c’est le nom de la place des Terreaux cette année là. Il y a de nombreuses délégations. Un groupe de jeunes garçons sous un drapeau où l’on peut lire : « Il nous a donné Emile pour modèle ». Un peu plus loin, des jeunes filles, un drapeau où était écrit : « On voit parmi nous la candeur de Sophie ». Les mères allaitant leurs enfants sont également présentes avec une bannière portant ces mots : « Il rendit les mères à leur devoir et les enfants au bonheur ». Les Lyonnais qui ont connu et reçu J-J Rousseau sont bien entendu dignement représentés avec cette inscription : « Il connut à Lyon les charmes de l’amitié ». Il convient de ne pas oublier que Rousseau est né à Genève qui est, jusqu’à preuve du contraire, en Suisse. Un groupe de Genevois a fait le voyage et porte le drapeau où est inscrit la phrase décrétée par la Convention Nationale : « Genève aristocrate l’avait proscrit, Genève libre a vengé sa mémoire ». Tout un groupe de vieillards, d’artistes et de citoyens, porte le livre du Contrat social. Un drapeau arbore des extraits du Contrat social comme : « L’Homme est né libre… Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’Homme, aux droits de l’Humanité, même à ses devoir. »
Le cortège accompagné d’une fanfare, s’ébranle pour rejoindre l’île J-J Rousseau, située sur la rive gauche du Rhône, en amont du pont Morand. On découvre un cénotaphe entouré de peupliers décorés de guirlandes de fleurs. Au faîte du tombeau, la statue de Rousseau réalisée par le sculpteur Chinard. L’artiste a eu très peu de temps pour réaliser cette œuvre mais le peuple semble apprécier ce groupe où l’on voit l’auteur des Confessions embrassant d’un côté deux enfants des deux sexes et s’appuyant de l’autre main sur deux tables de lois. « Ce groupe dont la vérité et la bonne composition ont rappelé en même temps les traits, les vertus, les talents et les habitudes du grand homme dont on célébrait la mémoire » juge les observateurs de l’époque. Mais pas de cérémonie sans discours. C’est d’abord Charlier qui voit en J-J Rousseau « le plus grand homme qui ait honoré l’humanité depuis les beaux siècles de la Grèce et de Rome », puis Pocholle prend à son tour le parole. Un discours politique où il fustige les « fêtes de la superstition qui n’offraient que des objets avilissants et répréhensibles et ne rappelaient que la mémoire de l’inutilité et de l’hypocrisie. » Et il conclut : Les fêtes des hommes libres n’offrent que des objets régénérateurs, la sagesse, le génie, la gloire. Les exemples offerts par la superstition tendaient à éteindre l’homme : les exemples offerts par la liberté tendant à l’élever et à l’agrandir. » Cette grande fête qui ne l’oublions pas se déroule au lendemain du siège de 1793, se terminera par un concert avec l’hymne à Jean-Jacques Rousseau.

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