mercredi 15 juin 2011

Le meurtre du commandant Arnaud (témoignage)

Antoine Arnaud tisseur sur soie, chef d’atelier, républicain et franc-maçon est né le 30 mars 1831 au 2 de la place de la Croix-Rousse. Il fut assassiné au Clos Jouve par des émeutiers le 20 décembre 1870, au lendemain de la défaite de Nuits Saint-Georges

Le Petit Journal du 23 décembre 1870, 3 jours après l’assassinat du chef d’atelier tisseur Antoine Arnaud, publie un long témoignage écrit par un témoin oculaire ami de la victime, Mazière fabricant de battant qui habite 32 rue du Mail.
« Monsieur le directeur,
Dans l’intérêt de la vérité, je viens vous prier de publier le récit des violences exercées contre le commandant Arnaud dans le journée du 20 décembre à 11 h et demie du matin.
Je m’approchais d’une foule compacte devant la salle Valentino et là je vis un homme étendu à terre, que je reconnus de suite comme le commandant Arnaud.
Quoique terrassé, il put sortir un révolver de sa poche et faire reculer ses agresseurs, ce qui lui permis de se relever et de s’élancer de l’autre côté de la rue vers les baraques de revendeuse herbages, en disant aux personnes qui criaient « à mort le traître » que si elles le poursuivaient, il ferait feu. Le citoyen X …, un de ses amis pensant le sauver, le prit par derrière et le désarma. Le commandant Arnaud ne fit aucune résistance et s’enfuit vers la rue du Mail ; mais les hommes armés le poursuivaient la baïonnette dans les reins ; un, entre autres, le tenait en joue prêt à faire feu.
Arrivé à l’angle de la place, il reçu un coup de baïonnette dans le côté ou dans les reins, ce qui le fit se retourner ; alors il sortit un second révolver de sa poche et en tira deux coups en l’air ; car, s’il eût tiré à hauteur d’homme, j’aurais été atteint. Il était dans un tel état d’exaspération qu’il ne me reconnut pas…
Je me retournai pour voir si quelqu’un était blessé et arrêter ceux qui le poursuivaient ; dans ce mouvement qui dura une minute à peine, Arnaud tomba par terre, et un homme lui donna un coup de crosse de fusil sur la figure. Je fus assez heureux pour détourner un second coup.
Je le dégageai et il put alors se relever et se sauver jusqu’à l’angle de la rue du Mail ; mais là la foule le rattrapa et voulait le fusiller de suite. J’obtins qu’on emmenât à la salle Valentino.
J’espérais trouver des hommes qui feraient cesser cette boucherie : on le fit monter sur l’estrade à côté du commandant Chavant qui lui donna un verre d’eau. Un citoyen demande la parole et proposa l’exécution immédiate du commandant Arnaud.
Un second citoyen réclama la création d’une cour martiale, le président répondit que cela ne se pouvait pas mais que les commandants Arnaud et Chavant ne voulant pas accepter les propositions du peuple à eux faites par l’organe du bureau de l’assemblée, ils étaient des traites et allaient être comme tels conduits à la prison de la mairie.
Pensant qu’Arnaud était sauvé, je rentrai à mon domicile et ce ne fut qu’à une heure que j’appris que des scélérats l’avaient assassiné au Clos Jouve, au lieu de la conduire à la prison de la mairie.
Signé : MAZIERE
Fabricant de battant, rue du Mail 32

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