mercredi 26 décembre 2007

La Libération à la Croix-Rousse

60ème anniversaire de la Libération de Lyon
Texte lu le 3 septembre 2004 sur le parvis de la mairie croix-roussienne

Des questions… vous avez raison. Nous n’allons pas ce soir répondre point par point à toutes. Simplement évoquer cette période, redonner à des lieux et des rues croix-roussiennes la signification de leur identité, saluer la mémoire de ceux qui ont offert leur temps, leur vie pour que nous soyons libres ; permettre que se tisse un vrai dialogue entre vous et ceux qui ont vécu leur jeunesse dans ces années de peur, de larmes, de courage et d’espoir.

Faut être juste… exact… précis. L’Histoire celle avec un grand H se doit d’être vérité. Des dates… des faits… oui… C’est l’Histoire de la France… c’est à dire celle de femmes, d’hommes, d’enfants…
Derrière la chronologie des événements, Derrière les discours et faits d’armes,
Derrière les grandes figures de cette époque,
Il y a le quotidien,
Une population qui souffre,
Une population qui travaille
Qui se précipite dans les abris quand les sirènes hurlent,
Une population qui fait la queue devant la boulangerie en comptant ses tickets de rationnement,
Une population parmi laquelle certains trahissent par peur ou par conviction, pendant que d’autres se glissent dans les rues obscures en cachant des tracts appelant à la résistance.
Il y a ceux qui traficotent,
Ceux qui s’enrichissent, ceux qui ont faim, ceux que l’on rafle et déporte, ceux qui partent au maquis, ceux que l’on exécute.

Je ne me souviens pas… je n’étais pas là, pas encore là tout au début… mais j’ai lu, j’ai vu les images qui bougent et celles qui sont fixes, j’ai rencontré, j’ai écouté. Alors je m’approprie leurs souvenirs… vos souvenirs… je les fais miens… mais c’est eux qui vous les offrent.

Avant de danser et chanter, avant de fêter comme il se doit la liberté retrouvée il y a 60 ans, ici sur le boulevard de la Croix-Rousse, souvenons nous…

Le 2 septembre 1944 à 4 h du matin l’armée allemande commence de faire sauter les péniches sur la Saône

C’est à la Croix-Rousse que je pense, la Croix-Rousse en 1940.
On est en juin et les martinets stridents rayent de noir le ciel. Ils vont rester tout l’été. Nous sommes en juin et il fait chaud. C’est le soir. Il fait soif. L’homme en tricot de corps blanc transpire. Une sale nuit l’attend. Fait trop chaud. Il va encore se retourner cent fois sur les draps qui sentent la sueur. Nous sommes en juin. Le 18 juin. L’homme est comme les autres il n’entend pas. Qui aurait l’idée de se brancher sur une radio anglaise. Il n’entend pas. Pas ce soir là. Plus tard, on lui dira…
19 juin 1940. A 3 heures de l’après-midi la grande Rue de la Croix-Rousse avait son allure d’aujourd’hui. Ni plus ni moins qu’une après-midi de juin, sans bousculade sur les trottoirs. Pourtant… Pourtant comme l’air paraît lourd. Chargé de je ne sais quoi… Un curieux sentiment…. Je ne sais pas… La grande aiguille de l’horloge de l’église Saint-Denis marque la demi-heure. 15 h 30. L’armée Allemande entre à Lyon par la Croix-Rousse…
Plus rien ne sera comme avant.

Le 2 septembre 44 à 8 heures les Allemand font sauter les ponts sur le Rhône. Les FFI pénètrent sur la rive gauche.

Peut-être un petit air d’accordéon comme dans les films pour souligner la joie… non pas encore.

Dans la nuit d’aujourd’hui une soirée ardéchoise me revient en mémoire. J’ai dix ans et face moi, de l’autre côté de la longue table paysanne se tient un bout de femme, pâle, maigre, des yeux de braise. Mais je ne vois qu’une seule chose. A l’intérieur de son bras nu un nombre est inscrit. « Elle était à Dachau » me murmure ma mère. Je ne sais pas encore combien ce bras blanc, fragile, témoigne de l’indicible.
Le 25 juin 40 l’armistice entre en vigueur.
Dans la nuit du 6 au 7 juillet le bruit des bottes s’éloigne au nord, Lyon se trouve en zone « libre », un adjectif qu’il convient de murer entre deux guillemets.
Le 16 juillet Pétain abolit la mention de république française, le conseil municipal de Lyon est remplacé par une délégation spéciale et le 2 octobre paraît le statut des juifs dû à l’initiative de Vichy :
« Est « juif » tout Français ayant trois grands-parents juifs ou deux si sont conjoint est également juif. » Les juifs sont désormais exclus de la politique, de l’administration, de la presse, du cinéma… ceux qui exercent ces fonctions sont révoqués. Pétain peut rendre sa copie à Hitler au cours de l’entretien de Montoire sur le Loir.
Le 20 juillet 41 on recense les juifs du département du Rhône.
Le cinéma La Perle, 8 place de la Croix-Rousse (aujourd’hui le Quick) est placé sous administration. C’est l’aryanisation.
Le 29 mai 42 obligation du port de l’étoile jaune en zone occupée et le 20 août 42 c’est le début des grandes rafles. Le 23 octobre et puis le 9 février 43 au 12 de la rue Sainte Catherine, ils sont 80 à être arrêtés et déportés dans les camps nazis. L’extermination programmée, l’horreur méticuleusement organisée fonctionne parfaitement. On continue à rafler le 30 août 43, le 17 décembre, le 25 avril 44. L’humanité est blessée… pour toujours. Elle saigne encore…
Que l’on cesse de croire que les juifs attendaient les bras croisés leurs bourreaux. La Croix-Rousse en est témoin. Le 6 juin 1942 se constitue à Lyon le premier état-major FTP juif. La réunion se déroule au 55 du boulevard. Il y a là : Jacques Ravine, Albert Kugler, Leibtche, Kutin, Michel Fred, Simon Frid, Francis Schaposchnik, Jean Tancerman, Emile Teper.


Dans la matinée du 2 septembre 44 les FFI et des éléments américains préservent le viaduc du chemin de fer de Perrache sur le Rhône.

J’aimerai voir de petites notes d’une valse musette coiffée d’une casquette et les jupons colorés qui tournent sur les pavés… Pas tout de suite… Se souvenir, comprendre.
Alors, tous les Français derrière le maréchal ? Beaucoup certes, comment le nier… mais comment ne pas se souvenir de la manif des étudiants le 11 novembre 40 à l’Arc de Triomphe et plus près de nous, dans le temple protestant de la rue Lanterne, résonne la voix du pasteur Roland de Pury à la fin d’une cérémonie : « Recevez la bénédiction de Dieu au nom du juif Jésus Christ. »
En mars 41 Paul Gouailhardou 30 ans, Jean – Louis Curvat 38 ans et Jean Thorelle 26 ans constituent des groupes paramilitaires pour le secteur qui s’étend de la Croix-Rousse à Neuville. Ils sont 150. Paul Gouailhardou ne connaîtra pas la libération de Lyon. Il sera fusillé le 3 janvier 44 à Neuville.


Dans la journée du 2 septembre, les jeeps du 1er bataillon de la Légion Etrangère arrivent sur les hauteurs Ouest de Lyon


Oui… tu as raison… cet air là…
Amis, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine ?
Ces cris sourds du pays qu’on enchaîne.
C’est l’alarme.
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes…
Le 14 octobre 1942 une bombe explose dans la nuit, au 2 de la rue Célu.
Le 2 janvier 43 à 19 h 15 c’est l’école Jacquard transformée en caserne qui est visée.
Le 15 octobre à 21 h 30 explosion au 1 de la rue du Mail, 1 mort.
Le 19 à 2 heures du matin une bombe 14 rue Dumont.
Le 20 1 h bombe à l’épicerie du 13 de la rue de Belfort.
Le 23 octobre de nouveau le 14 de la rue Dumont explose.
Le 26 octobre à 20 h bombe au 37 du cours d’Herbouville.
28 octobre à 23 h 45 bombe à la bonneterie 28 Grande Rue de la Croix-Rousse.
25 novembre à 23 h 15 une bombe à la graineterie 11 place de la Croix-Rousse.
21 décembre à 1 h du matin une bombe à la teinturerie 154 boulevard de la Croix-Rousse et cette même nuit au Tisseur, 10 place de la Croix-Rousse.
Le 19 juin 44 à 22 h 50 une bombe explose à l’épicerie du 11 de la rue Claude Joseph Bonnet.
Le 26 juillet à 21 h un homme tombe sous les balles d’un revolver de la Résistance devant le 11 de la rue de Cuire,
Le 19 août à 22 h 45 des bombes sont lancées contre des camions allemands boulevard de la Croix-Rousse…
Occupants, collabos… parfois méprise, de toute façon du sang et des larmes…


Le 2 septembre 1944 à 14 h Alban Vistel prend possession de la préfecture

Attends ! Pas tout de suite l’air d’accordéon. Ne lis pas ces notes imprimées…
Nous sommes le 22 mai 1944, un homme referme le portail de sa maison du 2 de la montée de Dijon. C’est Eugène Pons, il a 58 ans, marié, père de 7 enfants. Il est imprimeur. Son imprimerie La Source est sur les pentes de la Croix-Rousse, 21 rue de la Vieille Monnaie (rue René Leynaud) Membre du Sillon et de Jeune République il commence à travailler pour la Résistance en fabriquant des faux papiers et des tracts. La première action importante est la réalisation du tract, imaginé par Jean Stetten-Bernard pour apporter une réponse aux interrogations du président Roosevelt sur la capacité des Français à résister. Fin 41 il diffuse Les Cahiers de Témoignage Chrétien et il imprime outre les Cahiers, Franc-Tireur, Combat, le faux Nouvelliste, Les Cahiers Politiques du CGE, les publications du MUR. Tous ces travaux s’effectuent en dehors des heures normales de travail, du samedi matin au dimanche soir. L’équipe est composée de Pierre Barnier (son gendre) d’Henri –Fernand Vernier (chef d’atelier et linotypiste), Charles Planchet (ouvrier de l’imprimerie), de Germaine Philippon, Marcel Colin et des étudiants : Fernand Belot, Alphonse Drogou, les frères Miguet. Le 22 mai 44 la police l’arrête avec Charles Lang (ouvrier d’origine Alsacienne) et Gaston Guillaume (étudiant) Interrogé par la gestapo il est mis à part avec d’autres pour être relâché car la perquisition de l’imprimerie n’a rien donnée. Charles Lang, considéré comme allemand est gardé prisonnier. Eugène Pons pour avoir protesté, rejoint le groupe des prisonniers. Interné à Montluc, il est transféré au début de juillet dans le camp de Compiègne puis déporté dans le camp de Neyengamme. Il meurt d’épuisement.


Le 2 septembre 1944 à 16 h Yves Farge commissaire de la République arrive à la Préfecture


La petite Hélène… Elle n’a que quelques mois, c’est un bébé. Son père pense souvent à sa petite fille. A la prison de la santé, il est deux heures du matin. L’homme écrit. Avant même que la phrase s’impose plus tard, il se fait un devoir de transmettre, d’expliquer. Il écrit à sa petite fille :

« Ma petite Hélène. Lorsque tu liras cette lettre ton petit cerveau commencera sans doute à comprendre la vie. Tu regretteras de ne pas avoir à tes côtés ton papa et ta maman. Mon Hélène, tu dois savoir un jour pourquoi ton papa est mort à vingt et un ans, pourquoi il s’est sacrifié, pourquoi il a fait semblant de t’abandonner. Je t’ai aimée avec tout l’amour paternel dont un homme peut-être capable. J’avais fait de beaux rêves d’avenir pour toi. Je ne suis plus jamais mais j’ai confiance dans ta maman qui saura me remplacer auprès de toi… Ma petite Hélène, il est deux heures, il faut être prêt. Il faut me dépêcher. Ecoute et respecte mes volontés ? Dans tout ce que tu feras dans la vie respecte ta mère, respecte le souvenir de ton père. Si un jour, tu manquais de respect à ta maman, sache que si je pouvais l’apprendre, je sortirais de la tombe pour te le reprocher. Apprends à connaître les raisons pour lesquelles je suis tombé. Apprends à connaître ceux qui t’entourent et juge les gens non d’après ce qu’ils te diront, mais d’après ce que tu les verras faire. Aie la volonté, l’ambition de devenir. Aie l’esprit de sacrifice pour les choses nobles et généreuses. Ne te laisse pas arrêter par les choses qui paraîtront te convaincre que ton sacrifice est vain, inutile. Soutiens ta maman par ta conduite honnête. Ne lui crée pas de soucis inutiles. Aide-la de toutes tes forces, car le vie pour elle fut semée de souffrances amères et tragiques. Si dans la vie tu ne connais pas la richesse, console-toi en pensant que là ne se trouvent pas les sources du vrai bonheur. Choisi un honnête travailleur pour mari. Choisis-le généreux, aimant travailler, capable de t’aimer. Ma fille, en pensée, je t’embrasse. On ne nous a pas accordé l’autorisation de nous voir. Peut-être cela vaut-il mieux ? Adieu Hélène, ton papa est mort en criant : « Vive la France »
Fait à la prison de la Santé, le 17 avril 1942, date de mon exécution. Marcel Bertone.
Ne baisse pas la tête parce que ton papa est fusillé. »

18 h les premiers chars américains devant la préfecture


J’aimerai moi aussi ne garder que les fleurs jetées sur les chars et les baisers fougueux offerts aux combattants par les belles qui se peignaient les jambes au brou de noix,
Ne garder que les pas d’une valse musette mais… tu souviens-tu des paroles de René Brot ordonnant à ceux qui le pleuraient de chanter… « Ce qu’il veut,
Ce qu’il fait,
Ici,
Chacun sait quand il passe.
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place… »
Nos regards accrochent par hasard une plaque de marbre au coin d’une rue.
Ami regarde à l’entrée de l’hôpital de la Croix-Rousse, trois noms…plus un.
Georges Lyvet, Noël Jumeau, René Israël et un inconnu… je pense à cet inconnu, à ceux qui l’ont aimé.
Et puis à Georges Lyvet
Il est né le 24 août 1906 à Curciat dans l’Ain. En 1938 il est secrétaire de la Fédération Sport et Gym du Travail (FSGT). Sous le nom de Jean Rolland il organise le Maquis de la Haute Savoie. En août 43 il prend la direction de la Première Subdivision FTP de la Région Rhône Alpes. Son action s’étend à toutes les régions qui se trouvent entre les rives gauches de la Saône et du Rhône, ainsi qu’aux frontières Suisses et Italiennes. Le 15 mai 44 il se rend dans l’immeuble situé 1 Grande Rue Saint Clair pour une réunion des responsables interrégionaux. Il est arrêté par les Allemands. Torturé il est conduit à l’hôpital de la Croix-Rousse. Immobilisé sur son lit, il peut aider quatre camarades de chambre à s’évader. En représailles, il est abattu dans sa chambre. René Israël aussi, Noël Jumeau également et puis un résistant… demeuré anonyme.
Aimé Boussange préparateur en pharmacie rue Dumenge fusillé en novembre 43, Alexandre Aimard et Auguste Ollivier morts en déportation en 1944
Ami, lève les yeux rue de Nuits Saint Georges, tu y liras que dans un appartement canut le groupe Francis Gervais avait entreposé des armes…
Ami regarde à l’entrée de ce passage : Perret le président du patronage laïque est mort à Dachau
Ami souviens toi de Jean Bertrand mort le 3 juin 1945 à Mauthausen. Membre des Mouvements Unis de la Résistance il est arrêté le 17 février 1944 au 20 de la rue Calas. Déporté il meurt au camps de Mauthausen
Amis regarde au 10 de la rue Perrod. Raymond Louis, membre du PC devenu clandestin, est replié à Lyon. Il entre le 15 mai dans le groupe-franc du mouvement Libération, qui est basé dans le quartier de la Croix-Rousse. Chargé par la suite, de l’organisation d’un Maquis dans le département de la Drôme, Raymond Louis est placé à la tête d’une section FTP. Dénoncé comme étant en possession d’armes il est assassiné à son domicile et son épouse est déportée à Ravensbrück.
Ami pressé qui traverse la place de la Croix-Rousse, arrête toi un instant à l’angle de la place et du boulevard, côté Ouest… Lève la tête. Là, a été abattu le 11 mars 44 Marek Majerezak alias Vincent, juif polonais membre des MOI (Main d’œuvre Immigrée) puis du bataillon Carmagnole.
Ami, regarde au 18 de la rue Pailleron. Ici habitait Louis Seurre, membre du mouvement l’Insurgé, responsable du quartier Croix-Rousse et Caluire, fusillé le 27 août 44 à Mionnay. L’insurgé… un mouvement mais aussi un journal qui paraît en mars 42. Il a pour devise celle de nos Canuts de 1831 et 1834 : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant. »
Ami qui traverse la rue Kubler souviens toi de ce commissaire de police, membre du réseau Gallia. Il échappe à Saint-Jean une première fois aux miliciens. Il est arrêté par la gestapo à Paris. Il meurt dans le camp d’Ellrich, le 15 février 45.


20 h 30 l’armée allemande commence de faire sauter les ponts sur la Saône (seuls sont épargnés la passerelle St Vincent, le pont de l’Homme de la Roche et le viaduc du chemin de fer sur la Saône à Perrache

Décidément la musique s’impose. Vas-y… une mesure… une mesure seulement.
Merci
Je pense à toi René Brot… Je souris… par association d’idées… Les explosions, le bruit et toi devenu sourd après une action combattante. Je me souviens. Tu m’as parlé d’Henri Chevalier un jour où nous nous rendions au Capo à Caluire. « Je suis très fier d’avoir contribué à ce qu’une rue porte son nom. » Henri Chevalier. Né à la Croix-Rousse le 24 décembre 1905. Il est à la déclaration de guerre imprimeur à Lyon au 60 du cours de la Liberté. En 40 de sa propre initiative, il imprime des slogans très courts sur des bandes de papier qu’il colle lui-même à l’intérieur des tramways, dans les allées d’immeubles, sur les mains-courantes des ponts et passerelles lyonnaises. Des presses de son atelier sort « Franc-Tireur » le 1 décembre 1941. Arrêté par la police de Vichy le 20 septembre 42 il est interné jusqu’au 24 octobre puis remis en liberté. Franc-maçon, il entre au mouvement « Coq enchaîné ». Le 4 décembre 1943 la gestapo perquisitionne son atelier et trouve seulement une enveloppe contenant 6 fausses cartes d’identité avec photos et tampons sans libellé. Il est incarcéré à Montluc. Dirigé le 23 mars 44 dans le camp de Compiègne, Henri Chevalier arrive début avril à Mauthausen puis affecté au kommando de Melk, il est employé à creuser une usine souterraine. Il revient de déportation et meurt le 2 janvier 1957 à Lyon. »

Dans la nuit du 2 au 3 septembre l’armée allemande évacue la presqu’île

Petite valse, gone, joue…. Joue pour ceux qui sont revenus…
Comme Yseult Saulnier membre du réseau Gallia. Arrêtée sur dénonciation le 20 décembre 43. Le 3 mars 44 elle met au monde à l’hôpital de la Croix-Rousse réquisitionné par les Allemands, une petite fille. Elle est séparée de son enfant. Elle est déportée à Ravensbrück… elle revient !
Comme est revenue Marie-Thérèse Souzy. Elle habite au 33 de la rue du Mail. Membre du réseau Charrette, elle est boîte aux lettres du réseau et assure le secrétariat de Michel Cailliau, le neveu du général de Gaulle. Arrêté chez elle, elle est déportée à Ravensbrück. Elle reviendra.
Pour Jeanne, elle, c’est un miracle. Le 11 juillet 44, Jeanne Tavernier membre des MUR et des FUJ revient d’une mission à Valence et se rend au 24 de la rue Jacquard où est installé le service des faux papiers des MUR. Elle tombe dans la souricière tendue par la gestapo. Blessée, elle est interrogée par la police allemande place Bellecour. Emprisonnée à Montluc sans soin, elle est appelée (sans bagage) le 20 08 44 pour faire partie du groupe de détenus, parmi lesquels le Croix-Roussien André Bonin, qui est massacré quelques heures plus tard au lieu-dit « Fort la Côte Lorette » sur le territoire de Saint-Genis Laval. Repoussée sans explication dans sa cellule Jeanne Tavernier y demeura jusqu’à la libération de la prison…


Le 3 septembre à 6 h les maquis FFI et FTP de l’Ouest entrent en ville par la rive droite de la Saône et par le pont de l’Homme de la Roche

Tu joueras plus tard quand les fenottes et les gones viendront danser… plus tard… Ils en auront le droit. Souviens-toi le régime de Vichy avait supprimé les bals populaires. Parce que… bals… et populaires… Mais il nous faut encore parler de ces adresses, de ses appartements de la Croix-Rousse, de ces boîtes aux lettres de l’Histoire de la Résistance
Le 24 rue Jacquard où le Service du Mouvements Unis de la Résistance fabrique des cartes d’identité
Le 15 rue Roussy qui fut un temps le domicile d’Emmanuel Mounier de l’été 41 à novembre 42. Fondateur de la revue Esprit. Il s’engagea au côté d’ Henri Frénay et de François de Menthon de Combat et crée, avec André Philip de Libération, des groupes de travail chargés d’étudier un programme de réformes pour l’après libération . C’est rue Roussy qu’est venu le voir en septembre 41 Auguste Vistel (Alban chef civil et militaire de la Résistance en Rhône – Alpes dans l’été 44)
14, montée Bonnafous une boîte aux lettres de Combat
7 rue Bodin : L’hôpital militaire Villemanzy est occupé par la Wehrmacht. La rue Bodin a la particularité d’avoir une traboule accessible par trois entrées. L’une au 7, les deux autres l’une au-dessus de l’autre dans le grand escalier de la rue Grognard au rez-de-chaussée du n°7 et au premier étage sur la terrasse. Il y a une cache d’armes dans la cave.
16 rue Sainte Clotilde. L’appartement clandestin de Raymond Aubrac qu’il occupa sous le nom de François Vallet. Le 16 mars 43 le commissaire Lavabre dresse un procès-verbal de perquisition au domicile de F. Vallet qui se fait passer pour une personne faisant un peu de marché noir.
87 boulevard de la Croix-Rousse. Le domicile de Simone Bernoud du réseau Marco Polo, est également une boîte aux lettres.

7 h 30 Auguste Pinton et quelques membres du Conseil municipal occupent l’Hôtel de Ville

Plus d’Allemands dans la presqu’île. Quel sentiment aurait pu avoir Jean Moulin si le 21 juin 1943… Place Croix-Pâquet 13 h 45. André Lassagne, Aubry et un « invité » de dernière minute René Hardy. Avant de prendre la Ficelle ce dernier s’absente quelques instants pour « voir un agent de liaison au petit café de l’angle de la rue des Feuillants. » Ils montent ensuite tous les trois dans le funiculaire. André Lassagne est à vélo, vraisemblablement il est derrière, sur le truck. Ils arrivent sur le boulevard de la Croix-Rousse. Aubry et Hardy prennent le tram 33. Lassagne les suit à vélo puis les précède pour leur indiquer l’arrêt de Caluire.
Un peu plus tard c’est au tour de Jean Moulin, Max, et Aubrac de prendre la Ficelle. En haut ils attendent une demi-heure le colonel Schwarzfeld, puis prennent tous les trois le tram 33. C’est le dernier voyage d’hommes libres de Jean Moulin et d’Emile Schwarzfeld.

8 h 30 les premiers éléments de la 1ère DFL avec le général Brosset et les premiers FFI de l’Ouest, cdt Basset, arrivent à l’Hôtel de Ville

Accordéoniste, tes doigts te démangent. Je sais. Tout serait plus simple de souligner d’une plume musicale le lever du jour.
Mais j’ai encore quelques ombres furtives qui se glissent rue du Chariot d’Or. J’ai leurs noms tracés par la main de René. Henri Drevon, militant de la JOC, crée avec son frère Edouard un groupe de Force Unie de la Jeunesse. Natton habite au 20 de la rue, Amédée Nicolet, alias Dédé est au 27…

Les ombres des héros, de ceux à qui je dois la Liberté… qu’ils me pardonnent si je ne peux taire d’autres ombres, traînée devant des tribunaux qui se disaient populaires au risque de salir ce mot si beau. La haine s’est invitée à la Libération. Ambiance étrange où la peur, ses propres peurs, ses hésitations devant les choix qu’il convenait, ses lâchetés, se désir d’effacer ses faiblesses nous ont fait raser des crâne, maculer des corps de femmes, entacher ces jours glorieux par un gâchis qu’on taira longtemps.


10 h à la préfecture brève cérémonie de prise de pouvoir par le commissaire Yves Farge.

Des jours et des mois, des années marqués par le peur, par des actes héroïques, des gestes simples, des trahisons, du sang, des larmes, des disparitions et des morts. Marie Louise se souvient du 6 août 44 à 11 h du matin. Une bombe tombe sur le 73 de la rue de Cuire. Oui… mais aussi… des naissances et des rires, des premiers pas dans un jardin de la rue Henry Gorjus, des brouilles et des soirées entre copains, le travail, la débouille, le quotidien…


Fin de matinée fusillade confuse place des Terreaux et à 12 h 30 le dôme de l’Hôtel Dieu est en feu.
L’après-midi, Yves Farge installe le Conseil municipal provisoire ; Justin Godart est élu maire provisoire.

Un monde meilleur, un monde plus juste, un monde de paix…
Je vois ces ombres que nous avons évoquées. Que dirait-elles aujourd’hui ?
Et puis, d’autres encore qui se sont battues ailleurs que dans la région et qui aujourd’hui partage notre vie Croix-Roussienne. Ils sont deux à qui je pense. Une femme, un homme. Comme un symbole. Un vrai symbole de la Résistance. Unis dans le combat de la Libération même si plus tard ils ne sont pas dans le même bateau… Simone Charret et Nathan Tchapochnick.

Le 3 septembre 1944 Lyon est libéré.

On ne connaît pas tout de cette guerre ce jour là. On est loin d’imaginer…
Allez, gone, chassons nos questions l’espace d’une soirée. Ils seraient d’accord ceux qui ont donné leur vie pour l’Homme. Allez joue ! Allons dansons comme les Croix-Roussiens l’ont fait ces jours là. En leur honneur… comme il y a 60 ans.


Robert Luc août 2004

1 commentaire:

  1. BRAVO
    Travail fantastique, nous nous devons de ne pas oublier tous ceux et toutes celles qui ont lutté pour que nous vivions dans un monde libre.
    L'est-il encore réellement en 2015 ? Qu'airaient pensé ces combattants de la construction européenne ? et surtout de voir flotter ce drapeau bleu avec étoiles jaunes (ça ne s'invente pas) sur les monuments au morts.....

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